« Au milieu de tout ça, j’y pense encore à mon héron et je me demande comment je vais réussir à le terminer. Et aussi, si je serai content du résultat ».
C’est l’histoire de Guernica, d’un funeste jour d’avril 1937, de la violence qui déchire la toile de Picasso, l’une de ses plus connues, dénonçant l’horreur du massacre. Basilio, le héro de ce livre, est un artiste, un timide, un modeste, un poète du quotidien, un attentionné mais aussi un obstiné. Se réfugier dans le marais pour peindre des hérons, capter ce qui lui échappe, avec calme et intelligence, ce n’est pas de la folie, c’est être libre. La quête de l’artiste face au fracas du monde. Le regard aigu et juste de Basilio, sa persévérance, sa fascination, sa tendresse aussi dans son rapport au monde, son héron, sa façon de l’observer avec un infini respect. Ce qu’il nous dit de l’art, avec modestie et sincérité qui touche droit au cœur.
C’est pas si facile de peindre les hérons
J’ai adoré ce court roman d’Antoine Choplin, qui commence par une rencontre improbable avec la toile du Maître et ce « petit peintre » inconnu de campagne, et nous embarque dans son Guernica à lui, le marché si animé, les soirs de bal au village, le point de vue de Basilio, décalé et indispensable, le marais près du pont de Renteria où il peint son héron « c’est pas si facile de peindre les hérons », dans ses doutes, offrir une peinture à Céléstina ? « Le moindre caillou ramassé par terre aurait sûrement plus de valeur. […] Lui offrir un caillou, ce serait l’inviter à porter un regard sur un objet véritable. Sur une chose d’origine, et non pas sur une esquisse de représentation, forcément imparfaite. Ce serait déjà, de la part de Basilio, un geste d’artiste. Plus modeste, mais quand même. »
Oiseaux de misère
Puis arrive le jour du bombardement. Les oiseaux de misère qui rendent le ciel habituel méconnaissable, la ville torturée, torpillée. Les errances, les refuges improbables sous l’acharnement des bombes, qui frappent sans relâche, pour éradiquer une ville entière, les rencontres aussi, fortes et inoubliables. Et l’importance de témoigner, au-delà des mots, « sinon, on ne nous croira jamais » dira le père Eusébio à Basilio.
Un roman fort et bouleversant, qui peint avec douceur et intelligence la place de l’artiste et de l’art dans les sociétés. Un roman qui donnera envie de revoir le tableau de Picasso, avec un autre regard, celui de l’humble et singulier Basilio.
L’auteur
J’ai découvert Antoine Choplin à l’occasion du Prix Louis Guilloux, en 2017, il avait remporté le prix pour « Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar », Ed. La Fosse aux Ours. J’ai choisi de lire en premier « Le héron de Guernica », car le thème m’a plu, l’art, l’Espagne, les oiseaux… J’ai hâte de lire d’autres livres d’Antoine Choplin. Si vous en avez à me conseiller, n’hésitez point 😉
Août 2019
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