Valentin sur le chemin…

Plus de place pour les dingues, avait-elle songé en coupant la radio. Les virages se faisaient plus serrés, sur la petite route de campagne, et ce matin-là, elle repensait à ce que lui avait dit un ami, l’autre jour. « Il m’a foiré mon son, totalement, il s’est mis à hurlant devant la scène et à danser au lieu de faire les réglages. Il était tellement bourré, j’te jure ! ». Ben oui, ça arrivait. La folie, la beuverie, les ratages aussi.

C’était peut-être ça qui lui manquait en fait. S’abreuver de ratages, s’ajouter des grains de folies, du fantasque dans l’irréel, chasser l’ennui d’une campagne trop sage. En parlant de campagne, elle pensait à ces élections, les réunions, les photos des gens bien peignés sur le papier journal glacé, les promesses d’une ville meilleure pour tous, de belles mesures bien calibrées. Quelques-uns se démarquaient en parlant de solidarité ou de valeurs un peu oubliées. C’est qu’il fallait paraître compétent, c’était le plus important. C’est qu’il fallait paraître sérieux, mieux et pas trop vieux. Paraître dans un magma de combats, pour les enfants, pour la terre, pour le travail, les femmes et les hommes, pour l’amour. Ah non, ça, c’était pas de leur ressort.

valentin

Aujourd’hui, on fêtait la Saint-Valentin, alors bien sûr qu’on en parlait aussi d’amour. De celui qui vient lentement, un qui mijoterait longtemps sur le coin du feu, car l’amour qui dure, ça existe disaient les magazines. De celui qui surgit au bout de la rue, en cherchant son chemin, car c’est bien connu, l’amour vient à celles et ceux qui n’ont rien demandé. De celui qu’on oublie, parce qu’on a pas pris la même route, on s’est éloigné un peu trop vite, on en a trop demandé, on en a pas assez donné, on s’est paumé et personne n’est venu nous dépanner. On s’en est sorti en se brûlant un peu les ailes, en raclant les fonds troublés de nos océans, en disant qu’on ne s’y laisserai plus prendre. Alors sur les routes de campagne, on coupe les radios trop sages, et on se prend à aimer les silences qui laissent jaillir les rêves perdus.

14 février 2020 (c) Les brèves d’Agnès

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