« Méditation sur le rivage, sur ce qu’on y trouve, et sur le temps sans emploi » de Pierre Péju, édition Jérôme Millon
Un camping désœuvré après l’averse, une piscine avec une bulle de buée, un baby sous un barnum, des jeux, des flyers touristiques et une armoire à livres. Y tomber nez à nez avec cet objet écru et Marée basse inscrit en lettres carmin. L’attraper des deux mains car une méditation sur le temps sans emploi est fort appropriée pour aujourd’hui.
Lire de façon incongrue, se balader entre les lignes et s’accrocher aux mots écrits en marge « sur le sable », « entre l’intime et l’anonyme », « une danse de la mort » ou « le désir des grandes marées ». S’y sentir bien, au creux de la vague ha-ha, un peu comme l’auteur de cette méditation nonchalante, qui est « à marée basse d’écriture» après avoir écrit son roman La diagonale du vide (c’est peut-être à cause du titre, ai-je songé) et dans l’attente que le livre sorte.
Il pleut, il fait gris, et moi je lis. Je lis des pages au hasard, je lis en diagonale ce petit bouquin qui m’emmène en terrain vaseux, connu et à la fois inconnu. C’est une sorte d’impro, de brouillon, de bouillon léger avec des crabes dedans, de l’horizon et des tas de pensées qui flirtent avec le mystique ou la mort. Ou plutôt, les vivants et les morts. Le récit se déroule au mois de juillet, dans le Finistère. L’auteur dit plutôt « le Nord-Ouest de la France » que la Bretagne, et parle aussi d’autres endroits et de paysages de sa vie.
Un passage : « A marée basse on peut aussi apercevoir, de loin, les silhouettes sombres d’autres promeneurs, à jamais inconnus, qui se découpent sur un fond de grande clarté, évoquant parfois, lorsqu’ils marchent en file indienne et que le vent qui agite leur manteau les contraint à avancer courbés en deux, une danse de mort. Ils progressent avec lenteur, leurs chaussures à la main, et s’arrêtent parfois, eux aussi, pour se pencher vers quelque mystérieux objet. Si on tourne la tête, ils ont disparu, comme si le sable les avait absorbés. »
L’auteur y parle aussi d’un livre qui l’accompagne un peu partout, Austerlitz de W G Sébald dont les extraits m’ont troublée. Un autre extrait qui me parle beaucoup, sur le hasard et les livres. Ou la façon dont les livres viennent à nous, voici un petit extrait audio, toujours à écouter avec votre oreille indulgente.
Pour conclure, je ne peux que me réjouir d’être tombée sur ce livre de Pierre Péju, auteur né à Lyon en 1946, philosophe et écrivain entre autres de Naissances, La petite Chartreuse, Le Rire de l’ogre, Cœur de pierre, La diagonale du vide et d’essais dont La petite fille dans la forêt des contes.
Sans nul doute, une jolie découverte dans l’armoire abandonnée, même si je n’ai pas forcément envie de lire d’autres livres de cet auteur (qui dessine pas mal aussi au passage), mais ça me donne très envie de me balader à marée basse sur ma plage préférée et de méditer sur les choses de la vie, le temps ou de regarder les danses minuscules des bigorneaux.
Juillet 2021, quelque part en Bretagne