Crossover the rainbow

On était déjà en juillet. Juste avant le pont du quatorze, on avait vu les voitures se presser les unes contre les autres, s’en aller vers là-bas.

« Hey, savez-vous qu’au bout, c’est le bout du monde ? ».

Ils n’écoutaient pas les quelques autochtones qui les regardaient depuis le pont de la route nationale, ils se pressaient d’aller vers l’ailleurs, pêcher des vacances au goût d’oubli, au goût d’autrefois.

Un entassement d’objets, des pour les jours chauds, des pour les frimas et la bruimasse, parce qu’on le sait bien « en Bretagne, ça change vite hein !». Clin d’œil au temps. Un pull enroulé sur la banquette arrière, un panier rempli de vivres pour le pique-nique, des lunettes de soleil qu’on mettra tout à l’heure sur le masque à fleurs, quand on ira chercher une baguette au hasard d’un détour. D’un village quelconque où s’arrêter.

Ici, les gens ont oublié le temps qu’il fait. Ils restent à demeure, regardent les vacanciers en short beige et chaussures bateau se garer avec leurs belles voitures qu’on appelle il paraît des « crossover ». Over quoi, on ne sait pas trop. Les portières claquent, quelques-uns sortent en s’étirant comme des chats sortis d’une boîte et lèvent les bras vers le ciel. Les gosses en tenues bariolées commencent à courir, sous l’œil inquiet des mamies embarquées dans la danse. Elles regardent si d’autres véhicules peuvent être dangereux, là, sur la grande place de l’église, d’habitude déserte, sauf pour les enterrements.

Un repas pris sur le pouce, pardon, le muret du parking. Crédit : Les brèves d’Agnès

Mais on est samedi, c’est le jour des voyages, des mariages, des arrivées et des départs. Sur la place, en plus de la boulangerie, quelques bancs en faux bois attendent les touristes, tandis que l’abri-bus est réservé aux jeunes du village. Ils ont l’air de ne jamais se croiser. Les uns occupant l’espace entre onze heure trente et quatorze heures, les autres en fin d’après-midi et début de soirée. On est samedi. La portière craque, on va bientôt repartir. Le chien met une dernière fois le museau à la fenêtre, on aura trouvé quelques bricoles à l’épicerie pour ce soir, quand on arrivera, là-bas. Les petits jettent un dernier regard à la place et regrettent de n’avoir pu escalader le muret du monument aux morts, la mamie ferme doucement les yeux. On va redémarrer, rejoindre la nationale douze et, à bord du crossover, rêver en couleur, avec en sourdine le bruit du moteur. Dans quelques heures, on arrivera à bon port.

Ce soir, les touristes inconnus ouvriront les volets de la maison de vacances, l’épicier baissera les rideaux usés de sa pauvre vitrine, les jeunes s’installeront dans leur abri de fortune pour ne pas sombrer dans l’ennui et les villageois regarderont les infos à la télé où ils verront défiler les crossover qui ne s’arrêtent jamais plus de quelques minutes dans leur village oublié.

18 juillet 2020

PS : excusez la mise en page, la photo en double… je galère avec le nouveau WP et je dois partir, moi aussi ! Désolée pour les visuels, je verrai ça plus tard . Et au passage, contente quand même de retrouver le blog, et j’espère, mes lecteurs et lectrices 🙂 Belle journée à vous !

PS 2 : j’ai réussi à remettre une seule photo 🙂 Et y’a pas de raison que je sois la seule à l’avoir en tête depuis hier, la ptite chanson qui va avec les départs en vacances !

2 réflexions sur “Crossover the rainbow

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